/// DEB’ART #1 : CONDOM CHRIST
1 artiste / 1 oeuvre / 1 débat
Benjamin Renoux, jeune artiste plasticien, pose des questions sur la société en nous la montrant, mais aussi en nous la faisant ressentir. S’il considère la photo comme la base de son travail, il combine les médias afin « d’ajouter à la représentation visuelle de ce que notre œil voit, la représentation visuelle de ce que l’on ressent ». Toute la subtilité de son travail et les questions qui l’animent se retrouvent dans ses « Condom Christ », toiles subversives aux multiples lectures.
Entre les propos du Pape et le virus contre le Sida, cette année n’a pas manqué de faire s’affronter le dogme et le pragmatisme. Et s’ils n’étaient pas ennemis ? Après tout, ecclésiastique ou plastique, chacun ne fait que promouvoir son sauveur. Si Benjamin Renoux nous introduit son travail, David Dibilio et Frigide Barjot nous font part de leurs ressentis assez opposées sur l’œuvre. Et vous ?
Benjamin Renoux //////////////////////////////////////////////////////////////////////
Plus d’infos sur Benjamin Renoux sur son site : www.benjaminrenoux.com
J’ai commencé cette série il y a deux ans. Elle devait s’appeler « Christ au préservatif », donc un nom très français, qui reprenait des titres d’œuvres qu’on a pu voir dans l’Histoire de l’Art. Au fur et à mesure que les gens la voyaient, ils l’ont rebaptisée « Condom Christ ».
Dans cette toile, il y a une photographie du Christ, il y a le préservatif, et il y a la disposition des préservatifs qui rappelle le jeu vidéo « Tetris ». Finalement, on met au même niveau le symbole de la capote, qui est complètement profane, et le Christ, qui pour beaucoup est quelqu’un de très important. C’est mettre ces 2 éléments au même niveau qui peut choquer. La « génération capote » et la communauté religieuse.
Quand une toile est réussie, c’est que tout le monde peut donner son point de vue, que l’on soit froissé ou que l’on adore. Ce que les personnes très croyantes peuvent prendre mal dans cette toile, ce n’est pas à moi de le dire. Je veux poser une question, je ne veux pas donner de réponse.
Moi, je crée, je réalise la toile, et une fois que la toile est terminée, je n’ai plus rien à faire, je n’ai qu’à prendre du recul et offrir la toile à d’autres personnes.
David Dibilio /////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
David Dibilio a été salarié de Sida Info Service de 1995 à 2000 puis programmateur du Festival de Films Gays & Lesbiens de Paris de 1999 à 2005. Il est aujourd’hui journaliste et auteur de films documentaires.
La capote depuis des années, et pour longtemps encore, c’est un chemin de croix. Sida = Religion. Le Sida a son Église, ses apôtres et ses 10 Commandements.
La capote tu mettras.
Ton prochain comme toi même tu protègeras.
Ton sang point tu ne donneras.
Sous plastique tu baiseras.
L’Église du Sida excommunie tous ceux qui ne se plient pas à son dogme. Religion = Extrémisme. Alors que faire des incroyants, de tous ceux qui ne croient plus, qui n’arrivent plus à croire, de ceux pour qui ce catéchisme date d’une autre époque ? Les bruler ou les excommunier. Les crucifier. Ancien vs Nouveau testament, les (in)fidèles s’égarent, le berger court après ses brebis. An 2009 après Jésus-Christ : Sida, même plus mal. Comme dans un jeu vidéo géant, la virtualité a remplacé la réalité. Je baise qui je veux, quand je veux.
Moi : 1. VIH : 0.
Jusqu’ici tout va bien. Dans un monde moderne où l’individualisme est la nouvelle religion, une religion sans contrainte et sans loi, les prédicateurs de tous bords prêchent dans le désert. Fidélité, abstinence? Dans « Mon cul Version 2.0 », ces mots n’existent pas, de quoi il parle le vieux? Ce n’est même pas scandaleux, ça n’existe pas. Pas ici. En Afrique, chez ceux qui l’écoutent encore, le Pape, oui, ça craint. La ferme, de quoi tu parles, d’abord, tu baises, toi? Ici, on a tordu le cou aux curés depuis bien longtemps. Les nouveaux curés, eux, essayent toujours de se faire entendre, de garder un peu de pouvoir. En attendant, on continue de jouer, virtualité vs réalité. Moi : 1. VIH : 1. Game Over?
Frigide Barjot ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////
« Tshirtière du Pape depuis 2005″, l’humoriste a créé cette année le Benoithon et le site touchepasamonpape.com pour soutenir Benoît XVI dans la polémique.
Evidemment j’aurais dû crier au scandale rien qu’à l’énoncé de ce ce blasphème diabolique, me rouler par terre à la vue de ce tableau sacrilège, déchirer mon Tshirt “Touche pas à mon pape” en hurlant, puis m’évanouir dans un long sanglot…
Mais, à l’inverse des réactions aux propos du pape Benoît XVI qui ont provoqué la dernière hystérie générale de ce siècle avant la mort de Michaël Jackson, j’ai préféré m’arrêter pour regarder; et vérifier par moi-même tout l’objet du scandale, avant de me précipiter pour le condamner (ce que, au passage, Dieu lui-même nous déconseille bien de faire.)
Que vois-je donc avec mes yeux d’illuminée à moi ?
Le Christ en croix n’est qu’une estompe grisée, et son corps transparent semble peu à peu dévoré par la prolifération des capotes “packmans” écarlates, sous lesquelles Il va disparaïtre définitivement : dans ce jeu de Tetris impitoyable, l’humanité de Jésus est engloutie dans un envahissement mécanique d’objets tueurs et glaçants.
La couleur rouge donne l’impression que le Christ saigne de plus en plus, crucifié inexorablement, et qu’il va mourir une seconde fois, entièrement recouvert de son propre sang. Son expression n’est que souffrance dans cette agonie désincarnée et ininterrompue.
Eh bien, moi, Frigide Barjot, (j’entends déjà d’ici ceux qui me lapideront), j’y vois une interprétation audacieuse, mais bien perceptible, du message de l’Eglise en matière d’amour et de préservatif.
Quel est-il donc, ce message : l’amour physique, chez les cathos dignes de ce nom, est l’apogée de l’amour entre un homme et une femme, constitutif du don de la vie, et ne peut être dissocié de l’engagement de l’âme. Cette vision absolue est confortée dans la pandémie du sida : Benoît XVI a réaffirmé, certes sous les huées, que les seuls moyens de prévention 100% fiables contre le Sida sont la chasteté hors mariage et la fidélité dans le mariage (ou dans des relations stables, pour les non cathos…). En ce qui concerne spécifiquement le préservatif, il a aussi rappelé à de multiples reprises, qu’on “ne peut ajouter la mort au pêché”, et donc n’a pas condamné le recours à celui-ci en dernière intention… pour tous ceux, cathos ou non, qui ne peuvent faire autrement !
Donc, vue de ma foi, l’allégorie du tableau est claire :
• la consommation envahissante et effrénée de sexe pour le sexe répand la mort (la prolifération des packmans tueurs)
• l’artiste lui-même symbolise ce sexe “tueur” par le recours physique à l’objet préservatif, chose inerte, froide, jetable, sans vie.
• l’Amour lui-même, (le divin, incarné par le Christ, et l’humain, le pauvre corps de Jésus) est condamné à disparaître, nié par une société-zapping, marchande et matérialiste, qui l’a remplacé par l’argent et l’un de ses avatars les plus efficaces, le sexe sexuel.
Votre avis ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
je truve super
j’aime beaucoup
C’est beau, bien pensé. C’est comme ça que je le vois.
La chasteté avant le mariage n’empêche pas l’utilisation de la capote après… l’utilisation de la capote n’empêche pas la croyance en une religion. C’est comme ça que je le pense.